13 février 2009

Jeux, de Claude Debussy, dirigé par Bruno Maderna





Un des fantasmes du patron des Ballets Russes, Serge de Diaghilev, était d'avoir deux amants. Nijinsky lui mit ça en ballet, lors de leur 5ème saison parisienne.
Mil neuf cent treize.
L'avant guerre.
(la der des ders).
C'est moderne, ça se passe derrière un court de tennis. Nijinsky voulait même faire s'écraser un avion dans le fond de la scène. Ç'aurait à coup sûr été encore plus moderne.


Jugeant que l'époque n'était pas prête, il remplaça les deux amants par deux donzelles, tout en gardant le même sujet. On a donc sur la scène les diverses combinaisons d'un trio, culminant vers la fin du ballet par un baiser partagé entre les trois protagonistes.


Debussy, à qui Diaghilev a commandé la musique, a commencé par refuser, à cause du sujet qu'il trouvait stupide, puis, comme il faut bien manger...





"Après un prélude très lent de plusieurs mesures, ... apparait un premier motif scherzando en 3/8, bientôt interrompu par un retour du prélude. Puis le scherzando revient avec un second motif. À ce point, l'action commence, une balle de tennis tombe sur la scène. Après que le jeune homme ait dansé avec la première fille, le dépit et la jalousie poussent l'autre fille à commencer une danse moqueuse et ironique (2/4) qui attire l'attention du garçon. Il l'invite à une valse (3/8)... La première fille, abandonnée, veut partir, mais la seconde la retient (3/4, très modéré). Maintenant tous les trois dansent (3/8) de plus en plus vite, jusqu'au moment de l'extase (3/4, très modéré), qui est interrompue par une autre balle perdue qui fait s'égailler les trois jeunes personnes: retour des accords du prélude, quelques notes se glissent encore, et puis c'est tout". Description de Debussy (très honnêtement, j'ai retraduit la traduction anglaise trouvée sur Internet, je n'ai pas accès à une bibliothèque ici) .






Ce ballet a été créé au Théâtre des Champs Elysées le jeudi 15 mai 1913, deux semaines exactement avant la première du Sacre du printemps. Rude mois de mai! Et avec le même chef, Pierre Monteux. Les musiciens ont dû bosser dur.
Décors et costumes de Léon Bakst ; les danseurs: Vaslav Nijinsky (le jeune homme), Tamara Karsavina (première jeune fille), Ludmilla Schollar (deuxième jeune fille).

Pas un gros succès. Le Sacre, et le tumulte qu'il a déchainé, a fait oublier cette musique neuve, fluide, lumineuse. Elle a été reprise l'année suivante, en concert, et a été ensuite oubliée. Le premier enregistrement ne date que de 1947!
Alors que c'est une musique extraordinaire! Partition difficile à exécuter, d'après D-E Inghelbrecht, « l'erreur d'interprétation la plus courante consiste à faire entrer les instruments, ainsi que dans une symphonie de Beethoven, alors qu'ils doivent plutôt s'insinuer, le plus souvent.».
« Il faudrait trouver un orchestre “sans pied” pour cette musique. Ne croyez pas que je pense à un orchestre exclusivement composé de culs-de-jatte ! Non ! je pense à cette couleur orchestrale qui semble éclairée par derrière et dont il y a de si merveilleux effets dans Parsifal ! » écrivait Claude Achille.
Redécouverte après guerre par les jeunes musiciens.

Ici, une incomparable version de concert, avec l'Orchestre National de France, au festival de Royans, le cinq avril 1968.
Le chef: le compositeur et chef d'orchestre Bruno Maderna, un de ces jeunes musiciens justement, qui ont rejoué cette musique oubliée. Tout en finesse, en souplesse, et comment les dernières mesures sont phrasées!


Jeux Debussy ONF Maderna 68



03 février 2009

Un Songe d'une nuit de la Saint Jean



Des extraits de la musique de scène de Félix Mendelssohn pour la pièce de Shakespeare, "A Midsummer night's dream", traduit ordinairement en français par "Songe d'une nuit d'été", alors que ce n'est pas n'importe quelle nuit, c'est la nuit de la St Jean, le solstice d'été, nuit magique.
Pour "Ein Sommernachtstraum", en allemand, tiens c'est marrant, ils traduisent comme nous, une nuit comme une autre.


Ce ne sont que des extraits, instrumentaux, de la musique de scène. Il manque, hélas, les sublimes airs chantés. L'Ouverture a été composée à 17 ans, le reste à 33 ans. Pas de rupture, Félix était déjà tout entièrement génial dès l'adolescence. La valeur n'attend pas, etc.
En prime, Les Hébrides, appelée aussi La grotte de Fingal, écrite en 1830, une ouverture. A rien. Une ouverture comme ça. Un morceau d'orchestre, quoi.


C'est Ernest Bour qui dirige le 18 Janvier 1955 l'Orchestre du Théâtre des Champs-Elysées. C'est un chef
méconnu, mort en 2001, et qui a beaucoup dirigé de musique contemporaine. Vous ai-je déjà dit que ce sont ces musiciens qui jouent aussi le mieux la musique des siècles passés?
Cet orchestre était je crois un orchestre de studio, assemblé pour les enregistrements.
J'aurais bien voulu mettre une photo de Félix, mais il semble qu'il n'en existe pas, bien qu'elle ait été inventée de son vivant. Ce portrait a l'air assez réaliste.

Le songe d'une nuit d'été par E. Bour 1955

02 février 2009

Le treizième quatuor de Beethoven



Il date de la fin de la vie de Beethoven, quand ça n'allait pas très fort, surdité totale et compagnie. N'empêche c'est d'une beauté mélodique, d'une force, d'une liberté incroyables. Bon je dis ça je dis rien, comme dit ma fille Muriel.
Sept mouvements, on s'éloigne des quatre mouvements de l'époque classique.
Et il culmine par une fugue. Du "colossal, Babylonien, Ninivite" comme disait Berlioz (mais pas à son sujet). Seize minutes dans cet enregistrement, un tiers du total.
Le mouvement que Beethoven préférait, le seul qu'il aurait voulu voir bisser à la création.
Mais il a fait peur (au 20ème siècle, Pablo Casals, à qui le violoncelliste du quatuor Vegh avait offert sa place pour qu'il puisse faire du quatuor le temps d'un concert, ne le comprenait toujours pas).
Donc Beethoven l'a remplacé par un finale, la dernière œuvre qu'il ait achevée. On la décrie souvent mais je trouve qu'elle ne dépare pas.
Dans cet enregistrement, je n'ai pas changé l'ordre dans lequel le quatuor Pascal l'a enregistré, même si c'est bâtard, en effet on entend d'abord le quatuor dans sa version finale, avec le finale de remplacement, puis la Große Fuge. Donc le quatuor comme il n'est jamais joué et comme Beethoven ne l'aurait jamais entendu, même s'il n'avait pas été aussi sourd que Buñuel.
Donc, sur votre lecteur de CD, vous pouvez programmer l'écoute au choix, comme Beethoven l'avait conçu, mouvements 1 à 6 puis 8, ou 1 à 7 comme il l'a publié. Ou 1 à 8 bien sûr.
La Grande Fugue, si elle a déconcerté, a quand même été transcrite pour deux pianos par un employé d'un éditeur, pour que les amateurs puissent se la jouer à la maison. Louis n'a pas apprécié le travail et l'a refait.

On la joue rarement, dommage.
On en a retrouvé le manuscrit en 2005, à Philadelphie. Il s'est vendu ensuite pour 2 millions de dollars. Ça aurait laissé Lulu rêveur, lui qu'on a payé 12 ducats pour le boulot.


Ça commence double forte ff, et tout de suite, plus fort, sf, sforzando. On ne rigole pas.
Je lis Allo loco, mais ça doit être allegro poco. On voit que c'est vite écrit, rageusement. Cette fugue est vraiment l'illustration de ce que disait Cioran: Beethoven est le premier à avoir introduit la colère en musique. En plus, ça devait l'énerver d'avoir à refaire un boulot mal fait.
À la sixième page, il a manqué de place, ou oublié une mesure, alors il a collé une rallonge. En traçant les portées à la main, sans la règle qu'il utilisait pour le reste.





Voilà.
Est-il besoin de rappeler que pour en profiter, il vaut mieux ne pas l'écouter sur son ordinateur, sauf s'il est connecté directement à un amplificateur. En graver un CD est la solution la plus simple.

Ah oui, j'allais oublier: c'est la version du quatuor Pascal, ils ont eu une très longue vie musicale, sans changement de musiciens, et ont pas mal enregistré, mais rien n'est réédité, donc on les oublie. En tant que quatuor de la Radiodiffusion française, ils créaient un tas d'œuvres contemporaines, ce qui me les rend d'autant plus sympathiques.


Ayant connu les derniers quatuors de Beethoven par leurs enregistrements, enfin la plupart, que possédait mon père, je lui dédie donc cet envoi.
C'est de la mono, début des années 50.

Beethoven 13 Q Pascal 1 - 5 flac

Beethoven 13 Q Pascal Finale et Gde Fugue flac


Quatuor n°13 & Grande fugue Q Pascal en mp3

Le concert champêtre


Le concert champêtre de Francis Poulenc.
C'est pour clavecin, mais...
Comme à l'époque, 1928, il n'y avait que sa copine Wanda Landowska qui en jouait, il a permis qu'on le joue avec de menues modifications, au piano. Histoire d'être joué.
Là, il est lui même au clavier avec un des plus grands chefs français du XXème siècle, Désiré-Émile. Un concert dont je n'ai pas la date.

Postérieur à ce concert champêtre de Watteau, en tous cas.

De toute manière, le clavecin que jouait la Landowska sonnait aussi fort qu'un piano. C'était une robuste machine de concert créée par la maison Pleyel, sur mesure.
Trois mouvements, un concerto classique, quoi.
Ah oui, Désiré-Émile Inghelbrecht. Dont je parlerai une autre fois. Dévot de Debussy, qu'il avait connu. Avec son cadet Désormière, champions de la grâce perdue.

En fichiers flac, sans perte:

Concert Champêtre Allegro Molto 1
Concert Champêtre Andante 2
Concert Champêtre Finale


En mp3:

Concert champêtre Poulenc & Inghel